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Mai 2024 Le syndrome du roi Midas

La bêtise c’est de la paresse, c’est un type qui vit, et il se dit : ça me suffit. Ça me suffit. Je vis, je vais bien, ça me suffit. Une espèce de graisse autour du cœur ; une graisse autour du cerveau. J. Brel.

En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être… Actes 17. 28

 

Célèbre personnage de la mythologie grecque, probablement inspiré par un monarque phrygien du 8° siècle avant notre ère, le roi Midas avait reçu d’une divinité — récompense pour ses bons services — la capacité de changer en or tout ce qu’il touchait. Un pouvoir extraordinaire ! Nombreux sont les humains qui rêveraient d’un tel don…

Mais vous connaissez la légende, aveuglé par son avidité le souverain ne réalise pas que le cadeau qu’il a choisi et obtenu équivaut à une condamnation à mort. Pour lui, puisqu’il ne peut plus se nourrir — l’or est difficile à digérer — mais aussi pour ses proches, s’il pose la main sur eux.

Vous pensez peut-être que cette histoire ne parle pas de vous — vous vous dites que cela concerne uniquement le 1 % des plus fortunés de la planète qui centralisent à eux seuls 50 % des richesses mondiales — vous n’avez pas tout à fait tort. Un jour leurs descendants découvriront peut-être que les lingots, les billets de banque et les actions ne sont pas comestibles, mais le syndrome du Roi Midas nous guette tous. Pas simplement dans une recherche débridée pour posséder plus, mais dans le fait que nous avons tendance à pétrifier tout ce que nous touchons.

Je ne parle plus, vous l’avez compris, du domaine matériel, mais de celui des idées, de la connaissance, et de la spiritualité. Les religions, toutes sans exception, sont les musées sans vies des petits rois Midas qui ont transformé une expérience parfois authentique en un dogme mort et statique.

La Bible regorge d’illustrations de ce principe. Jacob, le père des douze tribus d’Israël est visité par Dieu dans son sommeil, à son réveil il érige une stèle et déclare solennellement : « c’est ici la maison de Dieu ! »[1]. Pierre, le disciple du Christ, spectateur de la transfiguration, s’empresse d’affirmer : « Dressons là trois tentes… » [2]. Tentes qui, n’en doutons pas, se seraient rapidement transformées en temples dorés à l’or fin si son maître l’avait laissé faire…

Et malheureusement, il est si facile d’agir de même…

Nous vivons quelque chose de très fort, nous découvrons une vérité qui nous touche, nous sommes témoins d’une action puissante… et immédiatement nous figeons cet évènement, nous l’habillons d’un récit magnifié, figé, exclusif et nous en faisons… une pensée pétrifiée, minéralisée avec un risque élevé qu’elle devienne une idole, c’est-à-dire une pensée statique qui se met entre moi et ma relation vivante avec le Christ !

L’exemple de la vie de Jésus devrait pourtant nous inspirer. Il a accompli plus que tout ce que nous pourrions rêver de réaliser sans écrire un seul livre, sans bâtir de lieu saint, sans nous laisser de dogmes. Simplement des principes de vie, à la fois précis et exigeants, mais souples comme des roseaux dans le vent. Des pensées capables de s’adapter à toutes les époques, à toutes les cultures.

– Aime ton Dieu de tout ton cœur, et ton prochain comme toi-même…  

– Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le de même pour eux…

– Ne vous inquiétez pas du lendemain…

– Pardonnez sans fin…

Et ces principes vivants s’inscrivaient dans un commandement général adressé individuellement à chaque être humain : « Toi, suis-moi ! »

Suivre celui qui n’avait pas de lieu pour s’installer, pas de nid comme les oiseaux, pas de tanières comme les renards. Simplement des points de chute provisoires, ici et là. Chez Lazare, chez Zachée, chez l’un chez l’autre… jamais assez longtemps pour mettre des rideaux, faire la déco, planter une pelouse et repeindre la barrière…

Voilà ce que devrait être la véritable caractéristique d’un suiveur du Christ. Un nomade invétéré, un migrant en route pour la prochaine étape, un voyageur perpétuel.[3]

Paul, l’apôtre, nous dit la même chose, citant un vers du poète-philosophe Epiménide : « En lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être ».

Cette vie d’en haut qui nous met constamment en mouvement et façonne notre être, afin que nos comportements soient simplement la conséquence naturelle de notre cheminement à sa suite.
Ne laissons pas une mauvaise graisse s’installer sur nos pensées, sur notre cœur.
Soyons semblables aux prêtres du temple qui jetaient chaque matin les cendres du bois brulé sur l’autel la veille.

Oui, il est bon de se souvenir, de garder en mémoire les richesses du passé, d’exprimer notre reconnaissance, mais aujourd’hui Christ est ailleurs, il est autre. Il n’a pas changé, il n’est pas versatile, mais il est toujours en déplacement, déroutant souvent, intéressé prioritairement par notre « être ».

Et pour le suivre, il nous faut voyager léger, déposer nos certitudes minéralisées, nos rigidités qui nous rassurent faussement et accepter le défi de mettre nos pas dans les traces de celui qui est éternellement en mouvement.

 

Signé : un petit Midas qui se soigne…

 

[1] Genèse 28. 16-18

[2] Luc 9. 33

[3] Hébreux 11. 13; 1 Pierre 2. 11

 

 

 

 

 

 

 

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